A Goma, quand on pense aux belles voix de jeunes artistes, c’est difficile de ne pas mentionner Bénédicte Luendo. Sa voix épurée ne laisse indifférent personne comme l’a témoigné sa prestation à la dernière édition de Musika Na Kipaji, en novembre dernier, et tout récemment, au Festival Kuya Kwetu, qui s’est tenu à Kigali, au Rwanda.
Benedicte est née au début des années 2000. Elle se lance dans l’art à 15 ans dans l’organisation Hortensia, basée en ville de Goma. Dans le département de la musique, elle croise les personnes qui vont l’aider à développer et à exploiter son talent de chanteuse. Très vite, elle s’acclimate et explore son potentiel.
Malgré sa progression, les préjugés ne pourraient pas manquer à s’installer. Dans sa communauté, comme dans plusieurs africaines, les filles qui se lancent dans la vie artistique sont vues comme des « ratées ». Pour plusieurs parents africains, même à ce siècle présent, les enfants, surtout les filles, ne peuvent exploiter leur talent qu’une fois les études terminées. Et Benedicte n’a pas fait exception. Elle a décidé d’utiliser ce préjugé comme motivation pour changer la donne. «Je fais l’art pour prouver à tous ceux qui croient, comme mes parents, qu’en étant artiste feminin, on ne peut que devenir delinquante», a-t-elle souligné. «On peut devenir aussi l’incarnation des bonnes valeurs africaines», ajoute-t-elle.
Avant d’intégrer Hortensia, dès l’âge de 8 ans, Bene a commencé à chanter à l’église. Une courte mais belle expérience qui va l’aider à se positionner sur scène et éviter la frousse. En 2016, elle preste pour la première fois devant un grand public à l’occasion du festival Waumba, organisé toujours par Hortensia. Elle enchaîne par la suite avec les prestations dont les plus remarquables sont la première édition de Musika Na Kipaji en 2018 et le Festival Amani, en 2020. Ces deux grandes productions vont aider à propulser Benedicte sur le devant de la scène et accroître, tant soit peu, sa notorieté artistique au sein de la sphère culturelle de la région.
Si les prouesses et les acclamations se sont enchaînées pour Luendo, les difficultés à surmonter étaient à noter en interne. Fille ainée de sa famille, c’était difficile pour son entourage de croire en son talent artistique. Ajouté à cela la timidité qui l’accompagnait sur scène et les mauvais accords musicaux dans lesquels elle tombait parfois. «Un jour, je chantais et puis après, je faisais de fausses notes», se souvient-elle. «Mais, il y a la voix intérieure de moi qui me dit tout le temps de continuer même si je fais des fausses notes. J’y suis arrivée même si, jusqu’à aujourd’hui, c’est toujours difficile de maintenir la forme».
Au-delà de différentes scènes qu’elle aura eu à visiter, l’an 2022 restera dans les annales du début de carrière de Bénédicte. Pour la première fois, elle a sorti un cover, «Bwana nipe pesa», et un single, «Nouvelle terre», dans le cadre de la journée internationale de la paix. Durant cette même année, elle a participé dans la soirée acoustique à Ingabo Corner à Kigali. Avec une dizaine d’artistes, Benedicte a apporté sa pierre à construction de l’hymne de la fraternité de la région de grands-lacs, qui a été joué sur la grande scène du Festival Amani, en février 2022.
Décidée, Benedicte veut faire de la musique toute sa vie. Pour elle, chanter, c’est vivre. Et en 2023, tout part sur de bonnes bases pour celle qui a passé aussi du temps au sein du collectif Goma Slam Session. Elle y était en tant qu’amatrice du slam et amoureuse du chant. Encore une fois, durant 9 jours, Benedicte était à Kigali pour le Festival Kuya Kwetu dans le projet Loyembo, qui a réuni la RDC, le Congo Brazza et le Rwanda. Ensemble avec Alvie Bitemo et Clement Iradukunda, Bene a monté un reportoire qui l’a permis d’exposer son talent devant un public hétérogène venu de plusieurs pays africains. «C’était pour moi une grande occasion de voir le monde artistique dans plusieurs facettes et de découvrir beaucoup de choses», dit-elle de cette expérience. «J’ai beaucoup appris pendant ce travail à Kigali et j’ai eu à croiser mon idole Mani Martin. C’était une grande porte qui venait de s’ouvrir devant moi et ma carrière. J’ai appris qu’en tant qu’artiste, on se doit de ne pas perdre sa simplicité et son humilité».
La route est encore longue, très longue pour Bénédicte Luendo mais son talent, son sens dévoué au travail et sa passion pour la musique vont l’aider à baliser le chemin. En attendant, ses interprétations vont continuer à laisser le public en admiration et elle restera appréciée pour son sens artistique.